Balade nocturne. De la lumière à l’obscurité, le crépuscule est maître

Lors d’une escapade au crépuscule, un groupe de sept amis se laisse bercer par la tombée de la nuit. Ils sont accompagnés par Aline Renou, animatrice nature qui les amène dans la pénombre du site du Yaudet (Côtes-d’Armor) pour un moment d’apaisement et de découverte des sens.

Le groupe arpente les recoins du Yaudet au moment du crépuscule animant leurs sens. © Jeanne Le Bouhart

Tout paraît soudain plus sombre dans le site naturel du Yaudet, situé sur la commune de Ploulec’h, dans les Côtes-d’Armor. La vaste étendue d’eau bordée par de modestes falaises rocheuses et boisées, qui se jette dans la Manche, semble se figer. L’eau du Léguer auparavant éclairée par la lumière naturelle, s’assombrit. Le vent breton se lève en ce premier soir d’octobre.

Les feuilles des arbres s’agitent alors que les voix des randonneurs bavards s’adoucissent, comme si elles ne voulaient pas déranger ce moment paisible. La température diminue, laissant place aux premiers frissons des baladeurs. Leurs yeux sont fatigués. “Quand vient la nuit, la vision de l’œil devient de moins en moins efficace” explique Aline, l’animatrice. Sans lampe, comme c’est le cas ce soir-là pendant la balade, la netteté de la vue laisse place à la subtilité de l’ouïe.

C’est ce que veut faire remarquer la jeune femme aux participants. En juillet 2024, la guide de randonnées a lancé son entreprise Aline animatrice en nature. Elle propose aux curieux des balades thématiques dans lesquelles elle partage sa vision d’un lieu à travers l’utilisation des sens. Mardi 1er octobre 2024, le groupe expérimente l’escapade au crépuscule. “Ce que je veux, c’est proposer une expérience en lien avec la nature dans l’idée de vivre des bons moments”, explique Aline.


“C’est quoi le crépuscule ?”

Le groupe, perché sur la pierre plate, reçoit un cours scientifique d’Aline (en centre). © Jeanne Le Bouhart


Plus tôt dans la soirée, quand le soleil éclairait encore, Aline demande “c’est quoi le crépuscule ?” Le groupe perché sur une pierre plate assiste alors à un cours scientifique. L’animatrice leur explique que le crépuscule est le moment entre le coucher du soleil et le moment où il n’y a plus de lumière. En d’autres termes, c’est la nuit qui tombe.

Au fil de la balade, l’environnement dans lequel le groupe évolue change avec la pénombre. Leur vision est forcée de s’adapter à cette nouvelle lueur. Les cônes situés dans les yeux permettent de voir les couleurs le jour. Quand vient la nuit, ils passent le relais aux bâtonets qui laissent place à une vue en noir et blanc.

“Il faut 20 minutes à l’œil pour s’habituer à un changement de luminosité”, informe Aline. Pendant ce temps d’adaptation, il est de plus en plus difficile de percevoir les couleurs. Seulement les plus vives telles que le rouge des coques des bâteaux ou le jaune d’un ciré restent perceptibles. Les teintes froides telles que le bleu ou le vert se confondent désormais, déstabilisant le sens le plus utilisé par l’Homme : la vue. Il est 19h53, le soleil qui brille dans le ciel et réchauffe les visages, se couche, laissant place au crépuscule.


Une deuxième vie la nuit


À la question “qu’est-ce que le crépuscule ?” Christophe, l’un des randonneurs répond “c’est un moment de transition pour la vie sauvage”. Il n’a pas tort car la vie abrupte de la nuit, les amis la découvrent au fil de la soirée. Équipés de leurs chaussures de randonnée, ils arpentent les chemins du Yaudet. Montées rocheuses, descentes presque boueuses, tous sont attentifs à l’endroit où ils mettent leurs pieds. “N’écrasez pas la chenille” averti Aline qui pointe du doigt la bestiole qui se dandine au milieu d’un passage étroit.

Plus la nuit tombe et moins le groupe s’intéresse à ce qu’il voit. Chacun s’attarde désormais sur ce qu’il entend. Après un quiz sur les chauves-souris et un blind test sur les animaux de nuit proposé par la trentenaire, tous tendent l’oreille dans une marche silencieuse. “On entend une chouette hulotte !” chuchote Marin. Un autre reconnaît une chauve-souris qui vole dans la nuit. “C’est ludique d’écouter les petits animaux de nuit sur un téléphone puis d’essayer de les reconnaître dans la nature.” assure Marine.

Pour clôturer la balade, les amis s’installent sur une grande bâche bleue, s’apprêtant à admirer les étoiles.
© Jeanne Le Bouhart

En fin de balade, place à une dégustation de tisane sur une bâche bleue roi, peut-être la seule couleur encore perceptible à cette heure-là. Silencieux, le groupe regarde les étoiles qui apparaissent dans le ciel pendant qu’Aline projecte les constellations sur un drap blanc avec une lumière rouge pour une meilleure visibilité et ne pas éblouir la vision de ses hôtes.

Aline leur conseille de sortir plus souvent dehors pour observer comment les sens s’adaptent aux changements. Après une heure et demie dans la pénombre, le groupe est perturbé par la pollution lumineuse de Lannion visible au loin. Ils reviennent soudainement à la réalité et concluent que se perdre sensoriellement, c’est finalement apaisant.

Aline montre les constellations sur un drap blanc à l’aide d’une lampe rouge. © Jeanne Le Bouhart

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