Balade nature. Yann Quéré, un conteur qui enchante avec « modernité »

Pour sa dernière balade contée de l’année, le sentier des douaniers de Perros-Guirec s’est transformé en théâtre à ciel ouvert. Ce lundi 30 septembre, le conteur breton Yann Quéré a captivé son auditoire avec quatre récits. Depuis 20 ans, il ne cesse d’étonner par son style unique.

La nuit tombe sur le sentier des douaniers de Perros-Guirec, teintant le ciel grisonnant d’un rose pâle. Sa voiture en guise de bureau, Yann Quéré accueille les quinze randonneurs, venus écouter ses histoires. En cette soirée du 30 septembre, le vent breton souffle avec force, emportant avec lui des odeurs d’iode et de poisson. Une fois tout le monde arrivé, la balade de 2,4 kilomètres, ponctuée par quatre contes traditionnels populaires irlandais et bretons, peut commencer.

À la lueur vacillante des lampes-tempêtes, les rochers de granit se dressent comme des géants endormis et les invités s’y assoient en leurs creux. Yann prend alors la parole : « Laissez vous porter par les histoires, les paysages ». Depuis 1998, il a développé un style bien à lui, une manière originale de plonger son public dans son monde imaginaire. Ici pas de chichi, il raconte les histoires, comme à ses amis. « Plus on prend de l’âge, plus il y a quelque chose qui rentre de l’ordre du naturel quand tu prends la parole. Je ne sais pas si j’ai un ton moderne, mais en tous cas, j’utilise un langage quotidien pour raconter. Avec des mots qui sont parfois de l’argot. » 

Pour s’éclairer dans la nuit, malgré le vent, Yann distribue des lampes-tempêtes à pétrole aux participants. ©Jeanne Le Bouhart

Chacun interprète les histoires à sa manière

Le quinquagénaire ne se contente pas de simplement raconter. Il anime ses contes avec une touche d’humour bien à lui. Le public éclate de rire lorsqu’il glisse des « crétins », « la vieille », « radin », ou « péter un câble ». Pour interagir avec ses spectateurs, il pose des devinettes, les fait chanter ou les taquine. « Et ben voilà » scande une vieille dame, à la fin de « La bague du capitaine », écrit par Anatole Le Braz. L’histoire est celle de Margot, une couturière qui a volé la bague en or d’un capitaine, enterré après un naufrage. Peu après, l’annulaire du cadavre, autrefois porteur de la bague, est mystérieusement réapparu hors du sol. Maudite, Margot voit son propre annulaire devenir semblable à celui d’un mort, et finit par restituer l’anneau, permettant au capitaine de reposer en paix.

Les visages s’illuminent aussi de sourires, lorsque Yann ajoute une pointe de modernité à ses histoires : « Et là, il y a une princesse, qui s’appelle Brigitte. Ne rigolez pas, parce que c’est son projet et là, elle se met en marche. Brigitte est retournée dans son palais… À Paris. » 

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Son objectif, n’est pas de transmettre des messages, mais plutôt « de passer un bon moment avec les gens, de partager ». Pour lui, chacun interprète les histoires à sa manière. « Je vais prendre l’exemple de Guernica de Picasso. Toi tu sais de quoi il parle dans son tableau, mais si tu ne connais pas, tu vas inventer un univers qui n’est pas ce qu’il a voulu dire. C’est pareil avec mes histoires, il y a des choses qui m’échappent quand je les raconte et cela ne m’appartient plus, cela appartient à celui qui les reçoit » explicite-t-il.

La balade de 2.4 kilomètres, à débuté sur la lande, pour se terminer en longeant la Côte de Granit Rose ©Jeanne Le Bouhart

« Un véritable don » 

Mission réussie pour le conteur, qui a su émerveiller les participants. « Il a un véritable don », s’exclame Annick avec admiration, avant de porter son attention sur un gros crapaud. Avec sept autres retraitées de la fédération omnisports de Caen, elles sont venues passer trois jours dans les Côtes-d’Armor. Son amie Yvette, elle, a eu plus de mal à comprendre la première histoire. « Au fur et à mesure, on entre dedans, le temps de s’imprégner. Sa façon d’être, sa gestuelle, c’était génial, j’ai adoré » badine-t-elle, en veillant à ne pas écraser les escargots qui ont quitté leurs abris à cause de l’humidité. 

C’est le caractère du conteur qui a séduit Nathalie, passionnée des contes et légendes de Brocéliande. « Je vais chaque année à Paimpont. Un jour, j’ai fais une balade contée au Val sans Retour. C’était deux choses différentes, parce que chacun a sa façon de faire et sa propre personnalité qu’il met dans ses histoires. »

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Tout l’été, Yann Quéré propose des balades contées, avec l’association qu’il a fondée : la Compagnie des accordeurs de contes. Le reste de l’année, il sillonne la Bretagne, pour proposer ses spectacles dans les écoles, des centres culturels et des festivals, en invitant parfois des collègues musiciens, calligraphes et plasticiens.

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