Eesah Yasuke, poétesse et rappeuse

Après la sortie de son premier EP “Cadavre Exquis”, la rappeuse originaire de Roubaix est en ce moment en tournée. Rencontre à Saint-Brieuc, dans la salle de concert Bonjour Minuit, alors qu’elle faisait la première partie de Médine.

Quel a été ton parcours avant les scènes rap ?

Le rap est une histoire assez récente finalement, car j’ai sorti mon premier EP l’année dernière, “Cadavre exquis”. Avant ça, j’étais éducatrice spécialisée. Je travaillais dans le social et je me destinais à ça, du moins c’est ce que je croyais. Puis finalement, je me suis plongée dans l’écriture, et maintenant je suis parmi vous.

Au début de ta carrière, tu voulais prendre Isha comme nom de scène ?

Effectivement, je me suis appelée Isha pendant un mois. Puis un jour, je me baladais et je suis tombée sur une affiche de concert sur le mur du Flow à Lille, où c’était noté “Isha en concert”. C’est comme ça que j’ai découvert ce grand artiste, et c’est devenu quelqu’un de très inspirant pour moi. J’ai dû changer de nom évidemment !

Il y a quelques mois, tu as fait sa première partie, qu’est-ce que ça t’a fait ?
On s’était déjà rencontrés l’année dernière, il m’avait invité dans son studio. J’ai pu assisté à la manière dont il crée. C’était très instructif pour moi qui débutait, de voir comment les processus créatifs peuvent différer en fonction des morceaux. Ça m’a beaucoup apporté. On s’est ensuite revus pour la première partie, j’en ai refait une autre depuis. Mais on a surtout fait des co-plateaux. C’est un honneur, parce que j’ai vraiment beaucoup de respect pour son art, pour son écriture.

Est-ce que tu as d’autres inspirations musicales ?

J’en ai plein, car je n’ai pas grandi avec le rap d’emblée ! J’ai beaucoup écouté de rumba congolaise, de coupé-décalé, de musiques africaines. La première chanson de rap que j’ai écouté, c’est MC Solaar, avec “Hasta la vista”, et j’ai beaucoup écouté Disiz aussi. Puis j’ai quand même une partie assez rock avec les Red Hot, System of a down, Muse, Coldplay, Rage against the machine. Des grands artistes, immenses même. Je pense que quand on aime la musique, on aime toutes sortes de musiques, on est juste passionné. 

Est-ce que ces genres musicaux ont eu une influence sur les morceaux que tu composes actuellement ? 

Sur la façon dont j’écris, je ne sais pas, mais en tout cas oui, dans la manière dont je vais créer, dans comment on va épicer le morceau. Quand je dis “on épice le morceau”, c’est-à-dire quand on commence à mettre des ambiances. C’est là où je me rends compte à quel point il y a beaucoup de styles qui m’influencent. Ça peut être des choses dont je n’avais pas forcément conscience avant. Je m’en rends compte depuis que je suis dans la musique. J’assume de plus en plus mes influences rock par exemple. En fait, il n’y a pas vraiment de barrières. C’est ça l’art, on fait ce que l’on veut. 

Eesah Yasuke et son ami et danseur Petit écume ©Mellit Derré-Binois

Tu as fait beaucoup d’athlétisme quand tu étais enfant. Est-ce qu’il y a quelque chose dans ce sport que tu retrouves aujourd’hui dans le rap ?

Quand j’étais athlète et que je me destinais à devenir sprinteuse professionnelle, j’avais cet aspect compétitif, je n’aimais pas perdre. C’est très étrange parce que dans la musique, je n’ai pas du tout l’impression d’être en compétition. Je trouve qu’il y a de la place pour tout le monde. Dans le sport ou le sport de combat, tu veux gagner, t’as pas envie de perdre. Pourtant, dans l’art, je me dis qu’à partir du moment où tu réussis à t’exprimer sur des choses sur lesquelles c’était compliqué, et pour moi c’est une victoire. Parce que la musique et l’écriture, c’est né d’un besoin, d’une urgence. Quand j’écris, je ne me dis jamais « Je dois écrire parce qu’il faut que je fasse un projet ». Et je ne laisserais jamais personne me mettre sous pression. Dans le processus, quand j’écris, c’est toujours parce que j’en ai besoin ou que j’ai envie de m’exprimer sur quelque chose. Ça naît d’une pulsion, et je pense qu’il faut que ça reste comme ça.

Dans une interview, tu expliques que tu as commencé au début par écrire des poèmes quand tu étais jeune. Est-ce qu’en ce moment tu en écris toujours que tu ne rappes pas ensuite ?

J’écris toujours beaucoup de poèmes. En ce moment, je suis un peu dans cet exercice d’écriture automatique, où j’écris simplement tout ce qui me passe par la tête. Et soit je restructure, soit je laisse comme ça. Là, je suis en train de faire un petit recueil. Il y a des choses aussi dont je vais me servir pour ensuite les rebosser en chansons. Je ne sais pas si ce recueil sera publié. Pour le moment, il n’y a pas de perspective d’avenir. On garde ça de côté en tout cas.

Dans tes sons, tu parles beaucoup de tes parcours, mais sans dire les mots crus, dans Maladie 1 et 2 par exemple. Est-ce que tu as prévu d’aborder ces thèmes de manière plus manifeste ? 

Il n’y a que l’avenir qui peut nous le dire ! Tout ça va dépendre de l’évolution, de mon évolution personnelle. Je suis comme ça, j’ai beaucoup de pudeur et je pense que la pudeur se ressent dans mes textes et mon écriture qui sont très bavards. Beaucoup de choses sont cachées sous les feuilles. Finalement, il y a un jeu de caché-dévoilé. Peut-être que je vais éclore d’une autre manière, ou alors ça restera toujours un peu sinueux, je ne sais pas.

Une dernière question, est-ce que tu as des noms de jeunes rappeurs et rappeuses que tu écoutes et qui ne sont pas assez écoutés selon toi ?

Elle n’est pas jeune, parce qu’elle fait du rap depuis plus longtemps que moi, mais je vais la citer parce que c’est ma sœur, Lylice. Retenez bien son prénom parce que c’est quelqu’un qui a vraiment quelque chose d’unique, qui a une écriture qui n’appartient qu’à elle-même. Elle a sorti un EP qui s’appelle “Farouche” qui est franchement incroyable ! Allez streamer ça, c’est fort !

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