League of Legends. Dans l’esport, l’Europe accumule du retard sur l’Asie

Un article de Thomas Cluzeau

À Chengdu, en Chine, 12 équipes dont 6 asiatiques se sont affrontées. Gen.G, structure coréenne, a remporté un nouveau titre international sur League of Legends en gagnant contre la structure chinoise Bilibili Gaming. Les performances décevantes des deux organisations européennes, terminant 8ème et 4ème, traduisent un écart trop important avec l’orient.

Le Mid-Season Invitational s’est conclu ce dimanche 19 mai sur une finale opposant deux équipes asiatiques. Surnomé MSI cette compétition d’esport internationale sur le jeu League of Legends a rassemblé à Chengdu, en Chine, 12 équipes de 5 joueurs venant du monde entier. Gen.G Esports, première équipe de la ligue coréenne, est sortie gagnante contre Bilibili Gaming, en tête de la ligue chinoise, sur un score de trois manches à une. Un match entre colosses dominé par l’équipe coréenne, livrant une prestation maîtrisée, à l’image de leur tournoi. 

À voir : La finale remportée par Gen.G

Considérée comme troisième région majeure derrière la Corée et la Chine, l’Europe était également présente. Représentée par deux structures (Fnatic et G2 Esports), le vieux-continent a réussi à faire parler d’elle malgré un résultat final frustrant. Avec un système à double élimination, Fnatic a d’abord perdu contre Gen.G Esports puis contre Team Liquid (première équipe de la ligue américaine), une performance peu convaincante. G2 Esports s’est mieux débrouillé : après une partie perdue mais très accroché (2-3) contre T1 (deuxième équipe coréenne), l’équipe a redonné espoir à l’Europe et gagné en confiance pour la suite de la compétition. Ils ont ensuite rencontré Top Esport (deuxième équipe chinoise) et proposé un jeu très convaincant et remporté la victoire 3-0 et éliminé l’équipe chinoise.

Évidemment que nous sommes déçus, on pensait avoir enfin trouvé la solution pour gagner, on pensait que c’était faisable

Romain Bigeard, Manager Général de G2 Esport League of Legends

Ce match a prouvé au monde que l’Asie n’était pas intouchable et a mis G2 en position de concurrent dangereux et prétendant au titre. Leur épopée s’est finalement achevée sur un sadique 0-3, de nouveau face à T1. L’équipe a du se contenter d’une quatrième place, considérée comme décevante par Romain Bigeard leur Manager Général “Évidemment que nous sommes déçus, on pensait avoir enfin trouvé la solution pour gagner, on pensait que c’était faisable”.

Des équipe européennes fortes mais pas assez

Depuis 5 ans G2 a gagné 10 saisons sur 14 en Europe, ce qui en fait une équipe quasiment incontestée. C’est aussi la seule équipe européenne capable de rivaliser de temps à autre avec l’orient. Cependant, l’écart est encore trop grand pour que l’Europe puisse être une réelle menace pour les équipes asiatique.

Nombre de championnat du monde remporté par région © Thomas Cluzeau

Et pourtant, en 2011, l’Europe était sacrée championne du monde de League of Legends avec la victoire de Fnatic, contre une autre équipe européenne (against All authority). La raison est simple : à ce moment-là, le jeu venait tout juste d’être accessible en Asie, qui ne participait donc pas encore aux compétitions. À partir de 2012, l’Europe n’a plus jamais gagné les Worlds (championnat du monde) et l’Asie s’est imposée de manière dominante. Huit titres remportés par des équipes coréennes et trois par des équipes chinoises. L’Asie est devenue, au fil des années, le point central de l’esport sur League of Legends, les meilleurs joueurs sont désormais tous coréens ou chinois, beaucoup considère Faker (joueur coréen emblématique de l’équipe T1) comme le joueur esport le plus connu du monde et le meilleur joueur de tous les temps sur League of Legend.

Le talent asiatique s’exporte

Le continent asiatique commence aussi à conquérir le monde à travers ses joueurs. Se trouvant à court de solution pour concurrencer l’Asie, les équipes du monde entier recrutent des joueurs chinois et coréen. Par exemple en Europe, lors de la dernière saison, on comptait 6 Coréens et un Chinois sur environ 50 joueurs. D’un côté, l’Asie qui abonde de joueurs extrêmement doués, qui ne peuvent pas tous trouver leur place dans leurs ligues respectives; de l’autre côté, l’Europe voit en eux des joueurs très disciplinés, qui nécessitent peu d’accompagnement et qui sont déjà très professionnels. La ligue turque est particulièrement adepte de cette pratique avec quatre équipes comportant deux joueurs coréens chacune.

Nombre de joueurs par nationalités en LEC © Thomas Cluzeau

La différence entre l’Europe et l’Asie se fait aussi au niveau de l’éthique de travail. Zivsh, coach français, dans un équipe coréenne depuis peu, le soulignait il y a quelques semaines, “J’ai été choqué de voir à quel point ils font ça de manière disciplinée” disait-il à propos de l’entraînement et de la préparation. En Asie, tout est analysé et optimisé, les coachs imposent un nombre de parties à jouer en fonction du niveau, moins tu es bon plus tu dois jouer et tout est fait pour inciter les joueurs à être irréprochables.

Un manque de professionnalisme

Cette façon de travailler est également visible en Europe mais dans moindre mesure. G2 Esports est actuellement la seule équipe qui met publiquement en avant l’importance de l’éthique de travail pour pouvoir rivaliser avec l’Asie. Romain Bigeard publie régulièrement l’agenda d’entraînement des joueurs en appuyant sur certains points qui lui semble intéressants. Dans un tweets après le MSI, il expliquait “On fait le plus de matchs d’entraînement possible, expliquait-il suite au MSI. Mes joueurs ont montré une discipline excellente et un engagement total envers la compétition. […] Nous allons continuer de travailler et nous finiront par les battre [les équipes asiatique]”.

Des écarts au sein même des compétitions

En plus d’un système de formation à revoir, l’Europe souffre aussi d’un format de compétition que certain qualifie d’inadapté. La plus grosse différence entre la ligue européenne (LEC) et les ligues coréennes (LCK) et chinoises (LPL) est le nombre de parties jouées. Lors d’une saison régulière de LEC, chaque équipe joue 9 matchs d’une manche, alors qu’en LCK et en LPL chaque équipe joue 16 matchs de minimum 2 manches. Une équipe asiatique joue donc environ 38 parties quand les équipes européennes en jouent 9.

Nous avons joué autant de BO5 (match de 5 manches) en 7 jours qu’en deux saisons de LEC

Romain Bigeard

L’Europe compte donc sur les phases finales de compétitions pour pouvoir acquérir de l’expérience en jouant plus de parties, Romain Bigeard le soulignait suite au MSI : « Nous avons joué autant de BO5 (match de 5 manches) en 7 jours qu’en deux saisons de LEC« . L’âge minimum est aussi différent selon les ligues, en Corée la ligue est accessible dès 16 ans contre 18 ans en Europe. Une limite qui pose problème en Europe selon certains, qui obligent les très bon jeunes joueurs à attendre leur majorité pour se confronter aux meilleurs du monde et s’améliorer plus rapidement.

Cette année les Worlds se dérouleront en Europe (Londres, Paris et Berlin), de quoi ajouter de la motivation aux équipe européennes. Romain Bigeard : “Quand ils débarqueront en Europe, quand viendra le temps de les vaincre devant notre public, nous serons prêts.”

Un article de Thomas Cluzeau

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