À Plestin-les-Grèves, les bénévoles font vivre le cinéma

Situé au cœur de Plestin-les-Grèves, Le Douron est une institution depuis 1956. Sans aucun soutien de la mairie, ce cinéma associatif survit grâce à l’implication de ses bénévoles.

La pièce a une odeur de plastique brûlé. Dans un coin sont entreposées des affiches des prochaines sorties. Un ordinateur est posé au-dessus du projecteur. Sur son écran, on déchiffre les noms des deux longs-métrages projetés ce jour-là : L’Innocent de Louis Garrel et La Cour des Miracles de Carine May et Hakim Zouhani. La voix de Marie-Thérèse Le Pape couvre le bruit d’aération de la salle de projection. Elle soupire : « L’une des machines s’est mise à fumer hier. Nous l’avions faite remplacer la semaine dernière, par un technicien venu de Nantes. Il va falloir le rappeler. » La retraité est à la tête du cinéma associatif depuis 2010. Les soucis techniques, c’est à elle de les régler. Depuis cette salle, explique Marie-Thérèse, le projectionniste contrôle tout ce qui se passe durant les séances, grâce à une caméra infrarouge qui lui retransmet le visuel des salles.

La séance commence dans une vingtaine de minutes. Marie-Thérèse descend l’escalier en colimaçon menant à l’accueil. Elle salue les quelques bénévoles présents : au contrôle des billets, à la confiserie, à la caisse… Il en faut cinq pour assurer le bon déroulé d’une séance. Au total, ils sont une cinquantaine. Marie-Thérèse remarque, avec une pointe d’amertume : « Tout le monde ne s’investit pas de la même manière. »

Aucune aide municipale

Le Douron voit le jour en 1956, sous l’impulsion de la paroisse. Cet ancien « cinéma de curé » projette les dernières sorties. Une façon de tromper l’ennui des jeunes, durant les vacances scolaires. Depuis 20 ans, les salles sont ouvertes toute l’année. Elles accueillent environ 30 000 spectateurs par an. Comme la plupart des cinémas associatifs, Le Douron collabore avec une entente de programmation. Cette structure se charge des négociations avec les distributeurs. Toutes les deux semaines, Marie-Thérèse lui envoie la grille des films qu’elle souhaite projeter : « L’entente parvient presque toujours à obtenir les films que nous voulons. »

Le maire, Marie-Thérèse ne veut pas en entendre parler. « Lors de ses vœux annuels, il n’évoque jamais le cinéma. » L’argent provient des entrées, du Centre National du Cinéma, des subventions art et essai… Jamais de la mairie. « Il nous dissocie. Ça fait mal. »

Juste avant l’ouverture des portes, Marie-Thérèse retrouve « Madame multi-tâches ». Joëlle Dudous a gagné ce surnom en s’impliquant activement dans la vie du cinéma. Elle rédige les notes de frais, distribue les programmes dans les commerces… « Je ne pourrai plus le faire moi-même », avoue Marie-Thérèse, qui ne vient plus que les lundis et mercredis. L’entretien du cinéma est bien trop chronophage.

Comme les autres bénévoles, elle dispose d’un accès illimité aux séances. Il lui arrive de se glisser dans la salle, pour assister à la projection. Ce n’est pas l’amour du cinéma qui l’a menée ici, mais l’envie d’aider. « Ma voisine est venue toquer à ma porte. Elle avait besoin d’aide pour réaliser les bordereaux. »

Les jeunes ne viennent plus

Étonnamment, ce ne sont pas les films à gros budget qui attirent le plus. Le public est surtout composé de retraités, friands de productions plus intimistes. Marie-Thérèse se penche sur le cahier où sont inscrites les entrées du jour : « Seize spectateurs pour la première séance, trois pour la seconde. C’est décevant », souffle-t-elle. Elle ne sait plus comment attirer un nouveau public. Les adolescents, en particulier. Y compris les élèves. « Lorsqu’ils viennent au cinéma avec leur classe, ils y voient l’occasion de louper le cours d’histoire. Ils se fichent du film projeté. »À l’accueil, un carnet est laissé à la disposition des spectateurs. Dedans, des demandes hétéroclites. « Je peux réserver l’affiche de Jurassic World ? », « Je cherche un stage de troisième, s’il vous plaît », « Pourriez-vous repasser Avatar en 3D ? » Beaucoup d’éloges, aussi. Marie-Thérèse sourit à leur lecture : « Je ne sais pas comment leur dire que nous avons besoin de commentaires négatifs pour progresser… »

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