50e Festival de la BD d’Angoulême : la délicate traduction des mangas

Avant d'arriver sur nos étagères de librairie (ici, Manga no Umi à Lannion), les mangas passent par la case traduction.

À moins que vous ne soyez japonophone, si vous pouvez lire One Piece, Dragon Ball ou Naruto, c’est bien grâce au travail des traducteurs et traductrices. Souvent isolés des auteurs, ils jouent un jeu délicat avec les mots, les expressions et toutes les fantaisies de la langue.

Dragon Ball, Jujutsu Kaisen et Seven Deadly Sins : c’est Fédoua Lamodière. Enfin, en français. La traductrice exerce depuis 20 ans. Et depuis 20 ans, elle n’a quasiment aucun lien avec les auteurs et autrices qu’elle traduit. C’est là le grand problème des traducteurs : « Ce serait royal pour nous. Malheureusement ça n’arrive quasiment jamais », confie-t-elle. Il faut dire que les mangakas, qui sont soumis à un rythme de production soutenu, n’ont pas le temps de s’entretenir avec les traducteurs de tous les pays.

Il faut donc se débrouiller sans certaines informations, pourtant nécessaires à une bonne traduction : « Souvent, il m’arrive de ne pas connaître le genre d’un personnage qui est juste cité et qu’on ne voit pas, car au Japon il y a du neutre ». Pour poser la question, il faut passer par l’éditeur français, qui lui-même à affaire à plusieurs intermédiaires. C’est long, les réponses arrivent tard et elles sont souvent insatisfaisantes. 

Mission : contacter son mangaka

Thibaud Desbief, traducteur de Death Note, Hunter X Hunter et Saint-Seiya, entre autres, est aussi interprète. Cette activité lui permet d’avoir un lien, de façon détournée, avec certains auteurs qu’il traduit. « Parfois, j’accompagne les auteurs qui sont en mission comme ici à Angoulême. Par exemple, j’ai accompagné celui de Fairy Tail plusieurs fois. Nous avons noué une relation professionnelle qui me permet d’avoir des échanges assez fréquents avec lui », raconte-il. 

Autre moyen d’avoir un lien direct avec les auteurs : les réseaux sociaux. Fédoua Lamodière se souvient : « Ça m’est arrivé quelquefois de communiquer avec un auteur sur Twitter. J’ai des collègues qui travaillent sur des séries un peu moins connues, donc avec des auteurs moins sollicités. C’est plus facile d’échanger avec eux sur les réseaux sociaux. »

Équilibriste ou traducteur ?

Est-ce que cette blague est drôle ou l’auteur a-t-il volontairement écrit une mauvaise blague ? L’humour est un grand casse-tête pour les traducteurs. On ne rit évidemment pas des mêmes choses en France et au Japon. Il en va de même pour les références à des publicités, des chansons ou des films… Comment traduire cela ?

Le métier de traducteur est un métier de ruse. Il faut parfois savoir utiliser un vocabulaire spécifique à certains milieux, comme l’explique Thibaud Desbief : « Il m’est arrivé de travailler pour une série sur des urgentistes. J’ai fait appel à un médecin généraliste pour comprendre comment ils se parlent entre eux. Je lisais ma traduction avec lui. Il me disait que dans un bloc opératoire on ne parle que par bout de phrase, par bribes de mots. On n’utilise que des acronymes. »

Il y a plus méconnu encore que les traducteurs…

La plupart des traducteurs travaille en indépendant. « Dans toute ma vie, je n’ai connu qu’un seul cas de salarié qui travaillait pour une seule maison d’édition », raconte Thibaud Desbief. Ils travaillent donc sur plusieurs titres simultanément, « une vingtaine » pour Fédoua Lamodière, même si elle « essaye de réduire ».

Le métier est peu reconnu, même si cela tend à changer depuis peu, explique la traductrice :  « Depuis 5-6 ans il y a une mise en lumière du travail de traduction. Il y a quelques années quand les lecteurs parlaient d’eux, j’avais l’impression qu’ils pensaient que c’était l’éditeur qui faisait la traduction. Je lisais des choses comme “les traductions de chez Glénat…” alors qu’il y a un traducteur derrière chaque œuvre. » Dans leur travail, l’éditeur est l’un de leurs interlocuteurs principaux. Mais il y a aussi, plus méconnu, les correcteurs. Ils sont chargés de relire la traduction, et de vérifier qu’il n’y ait pas de faute de grammaire, d’orthographe… Un métier encore moins connu, et reconnu que celui de traducteur :  « Pas très bien payé non plus… », ajoute Fédoua Lamodière.

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