Alors que la côte nord de la Bretagne est régulièrement victime de pollutions à l’algue verte dûes à la qualité de l’eau, le bassin de l’Île Grande possède l’une des eaux les plus pures de la côte. Une aubaine dont profitent les ostréiculteurs.
Mardi 21 septembre 2021. A Landrellec, le coefficient de marée est de 94, le plus élevé de la semaine. Le soleil tape sur les rochers de la côte de granit rose et sur les larges bandes de sable laissées apparentes par le retrait de la mer. Entre l’Île Plate et l’Île Grande, un couple d’octogénaires pêchent le lançon, sillonnant le sable à l’aide de leur Houët alors qu’un groupe d’amis pique-nique sur un banc au-dessus de la plage.
Plus loin entre les rochers, quatre hommes s’affairent entre une vingtaine de rangées de casiers à huîtres découverts avec la marée basse. Ces hommes sont les ostréiculteurs de Trégor Coquillages et Crustacés Pleumeur Bodou. Aidés par deux imposants engins de chantier jaunes, ils entretiennent les élevages ostréicoles de l’entreprise. “On récupère les huîtres de ces deux rangées pour les ramener à l’atelier pour les dédoubler puis on les ramènera demain” explique Briac, vingt-deux ans, en montrant les deux longues tables d’élevage au milieu desquelles il se trouve.
Lui et Patrice, un soixantenaire aux cheveux grisonnants et au visage fin, sont chargés de retirer toutes les sangles qui retiennent les casiers lorsque l’eau les recouvre. Derrière eux, Didier, vêtu d’une tenue et d’un bob de treillis, lance les casiers de treize kilos préalablement détachés dans une sorte de cage en métal, vide, tractée par l’un des engins jaune. A cinquante-quatre ans, il est retraité de l’armée après avoir passé plus de trente ans comme gendarme dans la région et en opérations extérieures. S’il travaille ici, c’est avant tout “pour ne pas s’ennuyer pendant la retraite, en plus le cadre est superbe” se réjouit-il en jetant un coup d’œil à la baie de l’Île Grande, en face.
Dans le camion qui tracte les casiers se trouve Christophe. Aux commandes de l’engin dans une chemise à carreaux bleus clairs, il scrute d’un œil attentif le remplissage de la précieuse cargaison. A cinquante-trois ans, le chef et propriétaire de l’exploitation qu’il a monté en 1994 démarre son dernier trimestre à la tête de sa conchyliculture. Un départ en douceur puisqu’il restera quelques années dans l’entreprise “pour finir la formation du petit jeune [qui va reprendre l’entreprise] et être sûr que la transition se passe bien”.
Puis vint la mer
“Oh Patrice, tu les mets pas droits tes casiers” crie le futur ex-chef d’entreprise depuis la cabine de pilotage. Devant lui, Patrice est venu aider à mettre les huîtres dans la remorque car le temps presse.
Et en effet le temps presse, car la mer qui s’était retirée, souhaite reprendre ses droits. “Ah ça monte sec là !” S’exclame Patrice, les bottes déjà en partie dans l’eau. Alors tout le monde s’active encore un peu plus. Après avoir enlevé les dernières sangles, Briac prend les commandes du second engin de chantier alors que son patron (et beau-père) part mettre les cages déjà remplies en sécurité. Dans le même temps, les bras de l’ancien militaire accélèrent le rythme pour ne pas que les derniers casiers soient emportés. Finalement, les huîtres sont remontées à temps, sans encombre. Elles seront dédoublées le lendemain matin dans l’atelier puis remises à l’eau dans l’après-midi, au gré de la marée.
Guillaume SALIGOT
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