50e Festival de la BD d’Angoulême : à l’heure de l’horreur avec les mangas de Junji Itō

Le mangaka Junji Itō a reçu un prix d’honneur lors du 50e Festival de la BD d’Angoulême, organisé du 26 au 29 janvier 2023. Entre une rétrospective consacrée à son œuvre, une réédition de ses titres les plus célèbres et une adaptation sur Netflix, l’année s’annonce sous de bons auspices pour le maître de l’horreur à la japonaise.


Les premiers sont là depuis 2 heures du matin. Dans la file d’attente, on raconte que l’un d’eux a même planté sa tente pour passer la nuit devant le bâtiment. Le jour s’est levé et l’impatience commence à se faire sentir dans les rangs : ça se bouscule, ça crie lorsque quelqu’un essaie de dépasser… Il faut mettre son réveil tôt pour s’assurer une place. Seuls les 100 premiers repartiront avec le précieux sésame : une dédicace de Junji Itō. Une poignée de chanceux – au prix d’une nuit blanche – et des centaines de déçus.

Premier arrivé, premier servi. Un système mis en place pour limiter les attroupements autour de l’Espace Franquin, où sont organisées quotidiennement les dédicaces du mangaka japonais. Chaque matin, c’est la même rengaine. Et ce, tout au long de ce 50e Festival de la BD d’Angoulême, du 26 au 29 janvier 2023.

La rockstar des 50 ans du Festival d’Angoulême

On le surnomme le « Stephen King du manga ». Une référence à ses récits teintés de réflexions philosophiques, où l’horreur imprègne le quotidien. Sa spécialité ? La transformation des corps. Cela fait sourire lorsque l’on sait que Junji Itō, avant de se consacrer au dessin, s’intéressait déjà aux corps humains… Dans une moindre mesure. Il travaillait dans un cabinet de dentiste. En parallèle de cette activité, il rédige sa première histoire. Celle de Tomie, une jeune femme dont la beauté envoûte les hommes. Le récit rencontre un grand succès à sa publication, en 1987. Au point de pousser le Japonais à quitter sa profession pour s’adonner pleinement aux mangas.

Trente ans après, son succès ne faiblit pas. Son art en a inspiré d’autres, tout aussi grands. Par exemple, le réalisateur mexicain Guillermo del Toro ou l’auteur R.L Stine, à l’origine des romans Chair de poule. Plus que jamais, Junji Itō semble être sur le devant de la scène. En 2023, il participe à des projets multiples, sur des supports diamétralement opposés.

À commencer par sa mise à l’honneur durant le Festival d’Angoulême. Il y a les séances de dédicaces, bien sûr, réservées aux plus matinaux. Ceux qui ont opté pour un réveil tardif se dirigent vers l’exposition consacrée à son œuvre, à quelques mètres de là. Il faut s’armer de patience : le samedi matin, la file d’attente fait le tour du bâtiment. Cette rétrospective, intitulée « Junji Itō, dans l’antre du délire », retrace les trente années de carrière du mangaka. Le décor s’inspire de la ruralité japonaise, théâtre de ses histoires horrifiques. Sur les murs blancs sont affichées des planches originales, venues du Japon. Elles sont protégées par de simples cadres de bois. Le choix d’une scénographie épurée, donc, pour mieux faire ressortir la terreur s’émanant des dessins.

Un mangaka proche de ses collaborateurs

À la sortie de l’exposition, on se presse vers la boutique de souvenirs. Ça ne désemplit pas. Il faut attendre une trentaine de minutes avant d’y accéder. « Revenez plus tard », recommande le vigile. À l’intérieur, on retrouve notamment les traductions françaises de la maison d’édition Mangetsu. C’est elle qui distribue les œuvres de Junji Itō dans l’Hexagone. Le samedi, lors d’une conférence consacrée à la traduction de mangas, le directeur de collection Sullivan Rouaud détaille la collaboration étroite avec le mangaka. En février 2020, le Français se rend au Japon pour obtenir les droits de la majorité du catalogue de Junji Itō. Avec le recul, il qualifie sa démarche de « naïve » tant ce processus est habituellement codifié : muni de son sac à dos, il est simplement allé voir l’agent du mangaka. « Je lui ai proposé l’idée de faire revenir Junji Itō en France. Il accepté. Je me suis dis “C’est aussi facile ? On m’a donc menti ?” », relate-t-il en riant. Il évoque une équipe soudée autour de l’idée de remettre cet auteur sur le devant de la scène. « C’est un projet passion. Personne n’a compté ses heures. », rajoute-t-il.

Les amateurs de son art s’accordent à le dire : il est difficile d’adapter du Junji Itō. En janvier dernier, le géant américain Netflix s’est essayé à l’exercice. Maniac par Junji Itō : Anthologie macabre transpose à l’écran une vingtaine de ses nouvelles. On y retrouve des personnages cultes, à l’instar de la belle Tomie et du facétieux Soïchi. Deux épisodes sont projetés dans le cadre du Festival, avec une intervention du mangaka en préambule. Lors de cette séance, Junji Itō évoque les projets d’adaptation. Notamment celui de Spirale, en animation, dont la sortie a été retardée à plusieurs reprises. Ça devrait être pour cette année, affirme le mangaka. Autre adaptation, cette fois en live action, de Tomie. Malgré une dizaine d’apparitions à l’écran, la lycéenne meurtrière fait son retour devant la caméra du réalisateur français Alexandre Aja. Si le projet a été imaginé comme une série, l’interruption de son tournage lors de la pandémie l’a contraint à se muer en un long-métrage. Pour l’heure, la priorité est à la réécriture du scénario, afin de s’adapter à ce nouveau support.

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