Par Anouk Toutain et Raphaël Ouptier
Mardi 12 mars, à la brasserie Kerampont, à Lannion, cinq étudiant·e·s en journalisme ont présenté en avant-première un podcast sur les problèmes liés à l’eau en Bretagne. Leur objectif, mettre en avant les solutions adoptées par certain·e·s agriculteur·trice·s. La soirée s’est poursuivie par une table ronde avec Sylvain Ernault, journaliste pour le média d’investigation indépendant Splann.
Mardi 12 mars, environ 35 personnes se sont réunies à la brasserie Kerampont, à Lannion, pour assister à l’avant-première d’un podcast réalisé par cinq étudiant·e·s en journalisme de l’IUT de Lannion. Cette émission présentée par la radio étudiante TTU exposait les problèmes entraînés par les sécheresses pour les maraîcher·ère·s breton·nne·s ainsi que des solutions mises en place par certain.e.s d’entre eux / elles.
La soirée s’est poursuivie par des échanges autour du traitement réservé au thème du changement climatique par les médias. La discussion entre les intervenant·e·s et le public était animée par Juliette Crespon, membre de l’association jet d’encre. Sylvain Ernault, journaliste à Splann, a également pris part aux échanges.
Les conséquences très impactantes d’un dérèglement climatique…
Ce podcast d’environ sept minutes présente Charles Sébille, maraîcher à Camlez (22), et Joëlle Adam, agricultrice à Trévou-Tréguignec (22). Tous les deux sont confrontés à des problèmes de sécheresse liés au dérèglement climatique. Joëlle Adam a opté pour un système de bâches afin de protéger ses plantations lorsque les sols sont de plus en plus “détrempés” en raison d’un surplus d’eau aux alentours du mois de mars. Charles Sébille, quant à lui, fait face à des problèmes de sécheresse. Il récupère ainsi depuis 2020 l’eau des gouttières de ses différentes structures afin d’alimenter une bassine de 10000m3 qui lui permet une autonomie totale.
Si ces méthodes sont efficaces, elles comportent tout de même un certain nombre d’inconvénients. L’installation de bâches pour protéger les plantations ou d’un système de récupération d’eau sont respectivement très chronophages et onéreux. En effet, Charles Sébille a déboursé pas moins de 100 000 € pour mettre en place son système. Les mêmes méthodes ne peuvent pas non plus être appliquées dans tous les territoires.
…trop peu traitées dans les médias
Si les étudiant·e·s en journalisme de TTU ont choisi de mettre en lumière ces difficultés, ce n’est pas le cas de tous les médias. Entre 2010 et 2019, seuls 1% des sujets des journaux télévisés parlaient du dérèglement climatique, explique Juliette Crespon. En 2021, à l’occasion de la sortie du sixième volet du rapport du GIEC, seulement 13 minutes y ont été consacrées quand en 2022, la coupe du monde de football au Qatar a été traitée 20 fois plus que la COP 20, égrène-t-elle. “Ce traitement n’est ni qualitatif ni quantitatif”.
Pour Laure, étudiante en deuxième année, les sujets liés au changement climatique sont moins traités car “moins vendeurs […] face à un fait divers”. Bleuenn, alternante et troisième année, trouve que le changement climatique “n’est pas traité de manière globale, systémique, mais plutôt comme des faits liés à des catastrophes”. Arrivée en septembre, Ema explique que les journalistes sont “peu formés” aux questions scientifiques. “On n’a pas forcément les compétences pour bien traiter [le changement climatique]”, abonde Cyprien, en deuxième année.
Journaliste et cofondateur de Splann, Sylvain Ernault a expliqué comment travaille ce média d’investigation indépendant. Poser les “questions qui fâchent”, ne pas laisser de sujets “en suspens”, “apporter quelque chose”, l’ancien étudiant en journalisme de l’IUT de Lannion défend la ligne éditoriale de Splann, qui diffère, selon lui, de celle de médias plus traditionnels. Sylvain Ernault s’indigne de la mainmise de quelques individus sur l’espace médiatique français. “Il faut des lois anti-concentration”.
Des causes multifactorielles
Mais au-delà de cette simple solution, le mauvais traitement du changement climatique au sein de l’espace médiatique est multifactoriel. “Les journalistes sont des citoyen·ne·s comme les autres, juge Sylvain Ernault. Il y a une forme de déni et une faible conscience politique de cette question de base”.
Cyprien pointe également d’autres problèmes structurels. Selon lui, la forte cadence de production imposée empêche les journalistes de réellement se poser sur un sujet, “de s’attarder sur les problèmes”. Cela force les journalistes à prendre les premiers interlocuteur·trice·s qui répondent et “[ils / elles sont] souvent dans la com”.
Co-rédigé par Raphaël Ouptier et Anouk Toutain
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